Le Père Monnereau des Brouzils et le mendiant
Le Curé des Brouzils s’approche du mendiant
Et tout peiné pour lui du retard d’un instant
Il se mit en devoir de le servir lui même
Sur la table de chêne, il prend de sa main blême
Un beau pain de froment, puis il le coupe en deux
Présente large part au pauvre malheureux
Vous ne donnez que ça ! s’écrie une voix aigre
Vous avez bien raison ! avec un coeur allègre
Le Curé charitable offre l’autre morceau
Et Caille bien heureux a reçu le cadeau
Sans souci de l’humeur que lui fait Angélique
Poussé par la bonté du pasteur héroïque
Il dit naïvement ce pain ah ! c’est bien sec
Vous n’auriez pas un peu de bon fricot avec ?
Bien sûr qu’il vous en faut! mais le cher Père ignore
Que fricots et que plats sont cachés, eux encore
Oh plus rien sur la table et plus rien sur le feu
C’est hier cependant qu’ici le cordon bleu
D’un pâté surveillait la cuisson Angélique
Vous avez un pâté, votre humeur nous l’indique
Où donc est-il, ma bonne? il faut sans plus tarder
Nous l’apporter Seigneur ! il va tout y passer
Et c’est en gémissant qu’obéit la servante
Il est là le pâté de sa main tremblotante
L’indigent enveloppe une grande moitié
Ah monsieur le Curé, mieux vaudrait par pitié
Tout donner aujourd’hui Vous dites vrai, ma bonne
Sous des yeux courroucés, le très bon père donne
tout à Caille, ravi d’une telle bonté
Et ce prêtre, vraiment pétri de charité
Le coeur rassasié du bien qu’il vient de faire
Se contenta pour lui d’un dîner fort sommaire
récit de 1937